Champs de maïs au pied du Mont Cameroun, sud-ouest |
Introduction
L’amélioration
des services d’appui aux producteurs ruraux a toujours été une préoccupation de
l’Etat depuis la crise économique des années 80. L’adoption du programme
d’ajustement structurel et la définition des nouvelles politiques agricoles
(1988-1999) ont mis l’accent sur les stratégies favorisant l’amélioration de la
productivité agricole et la compétitivité des exploitations agricole familiales
(ACEFA). Ainsi, de 1988 année de création du Programme National de Formation Agricole
(PNFA), à 2002 avec le Programme National de Vulgarisation et Recherche Agricole (PNVRA), on a assisté à une évolution des stratégies d’accompagnement
des agriculteurs bien qu’étant toujours fondée sur l’approche “Training and
visit“ à travers la diffusion des innovations technologiques. A partir de 2002,
on est passé d’une approche d’encadrement vers une approche de facilitation-conseil
déjà expérimenté depuis 1998 au Nord-Cameroun par l’IRAD et le CIRAD via le
PRASAC. Dix années après la mise en œuvre de cette nouvelle démarche d’appui au
monde rural, les résultats sont plutôt mitigés et l’on se demande donc quelles
leçons tirées des expériences mise en œuvre par divers acteurs en vue de
repenser les stratégies pour une appropriation effective du dispositif par tous
les acteurs impliquées (Etat, ONG, Organisation Paysanne, Organisation
Professionnelle Agricole, etc.).
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Pourquoi conseiller les petits producteurs?
Jusqu’en
1998, la plupart des Exploitations Familiales Agricoles (EFA) au Cameroun rencontraient plusieurs problèmes qui
constituaient un frein à leur épanouissement. Notamment une gestion incertaines
des activités de production (car la prévision des campagnes n’allait pas
au-delà une année), une maîtrise insuffisante des itinéraires techniques des
productions à l’exception de la culture du coton et du cacao dont les
techniques de production ont longtemps été vulgarisées par la Sodécoton et la Sodécao, une mauvaise gestion des ressources etc. Depuis 2008, les nouvelles
stratégies de croissance économique imposent le passage d’une agriculture de
subsistance à une agriculture d’entreprise dite de seconde génération. Ainsi donc, il est urgent plus que
jamais de renforcer les capacités des producteurs ruraux à travers un accompagnement
plus rapproché et mesuré aux besoins réels de ces derniers et ceci via le
conseil agricole. Mais quel type de conseil adapté et approprié à la situation
des producteurs camerounais ?
Le
conseil de gestion expérimenté par le PRASAC repose sur une approche s’étalant
sur trois années allant de la formation au base de gestion en année 1 passant
par le suivi technico-économique des parcelles en année 2 pour aboutir à
l’élaboration des microprojets en année 3. Ceci s’adressait surtout aux paysans
volontaires. Il en est de même du conseil tactique et spécialisé expérimenté
dans 5 régions du pays par le Programme d’Amélioration de la Compétitivité des
exploitations Agropastorales (ACEFA). Mais ACEFA s’appuie surtout sur les
groupements paysans ayant exprimé au préalable une demande
d’appui-conseil.
Profils controversés desbénéficiaires du dispositif
La
mise en œuvre du conseil agricole demande une base de compétence tant pour les
bénéficiaires que pour les conseillers. Au Cameroun, le faible niveau d’éducation
des producteurs et des conseillers ou animateurs a constitué la première cause
de non appropriation de la démarche. La plus part des producteurs ruraux n’ont
qu’un niveau de l’école primaire. Et les outils pas vraiment adapté à ces
niveaux s’adressaient tant aux producteurs alphabétisés et non alphabétisés. On
note quand même que dans le Nord, le conseil en langue locale le
« fufuldé » a amélioré le niveau de compréhension du dispositif
surtout le conseil tactique.
Les
conseillers au Nord-Cameroun ont au moins le niveau Brevet d’Etudes du Premier Cycle
(BEPC) dans le cas du PRASAC et ACEFA, cependant à Akonolinga (Centre-Cameroun)
par exemple tous ne possédaient que le Certificat d’Etudes Primaire et Elémentaire
(CEPE). Les Conseillers spécialisés du programme ACEFA ont au moins le niveau
BAC et deux à trois années d’expériences. Avec ces niveaux, les conseillers
sont aptes à la mise en œuvre du conseil tactique reposant sur la prévision des
campagnes et le suivi technique des parcelles. Les bilans économiques et tout
autre calcul pour ne pas faire mention de la conception des projets, sont
difficilement maîtrisés par ceux-ci.
Au
PNVRA les Agents de Vulgarisation de Zone (AVZ) jouent le rôle de
conseillers-facilitateurs. Il en est de même à ACEFA qui avait voulu profiter
des acquis du PNVRA pour s’implanter et ceci en responsabilisant davantage les
AVZ du PNVRA. On remarque ainsi qu’en moyenne 50% des AVZ sont Conseillers de Groupement
Paysan (CGP) au programme ACEFA et près de 15% des Superviseurs de Secteurs
(SS) du PNVRA sont Conseillers Spécialisés (CS) à ACEFA. Ce même conseil par
approche différentes rend ambigüe le fonctionnement. D’abord les AVZ sont ceux
ayant longtemps servi dans l’administration sous le “training and visit system“.
Ils ont du mal à se délier de leur ancien rôle d’encadreur au profit du nouveau
rôle de conseiller-facilitateur. Cette lacune s’observe encore plus chez
ceux-là qui sont à la fois AVZ ou SS au PNVRA et CGP ou CS à ACEFA. On s’interroge sur leur capacité à pouvoir
changer quittant des approches standards vers celles plus participatives.
Sont-ils à même d’assurer la gestion de l’appui à la demande en conseil qui se
fait de plus en plus ressentir dans le contexte actuel de relance de l’économie
et surtout des effets du changement climatique dont l’influence sur les étapes
de la production agropastorale n’est plus à démontrer.
Les contenus du dispositif pas toujours adaptés aux demandes de plus en plus ciblées
Le
défi du développement rural repose sur la productivité, la compétitivité et
l’amélioration des services de base. Le diagnostic de ces problèmes est facile
mais l’organisation des éléments de réponses fiables et concrets doit être
planifiée. On note un problème d’inadéquation entre les besoins réellement
ressentis et exprimés par les producteurs et les solutions proposées dans la
plupart des cas. Ceci parce que les AVZ et CGP ne décèle pas rapidement ces
besoins et on aboutit aux solutions inappropriées à ces besoins réels. Ainsi,
au regard de la réflexibilité voulu et
la capacité à gérer la flexibilité le long de la chaine, il faudra par exemple
que, pour un besoin de formation réellement exprimé, qu’il soit aussitôt relayé
le long des différents maillons de la chaine et qu’une réponse soit aussitôt
organisée.
Pour
y parvenir, une base de compétence assez élargie du côté des conseillers,
superviseurs et techniciens spécialisés ou conseillers techniques doit être existante.
Celle-ci devant couvrir les productions animales, les productions végétales, la
gestion des exploitations et/ou entreprise agricole rurales, l’élaboration des
projets agricoles, les outillages et infrastructures agricoles etc. Tout ceci
entraine la nécessité de la mise sur pied d’un dispositif de formation
professionnelle dans les écoles de formation agricoles (Ecoles des Techniques Agricoles
-ETA, Collèges Régionaux d’Agriculture -CRA, Facultés d'agronomie, etc.), de façon à assurer une
offre adéquate de conseil. Ces nouveaux profils professionnels doivent faire un
lien entre les besoins en conseil (en terme de dispositif) et la demande des
producteurs en fonction des zones agro-écologique du pays.Car on constate des
expériences mis en place que, malgré l’engagement noté chez certains
conseillers et producteurs, les performances du dispositif sont faibles à cause
de l’inadéquation du profil des conseillers, du niveau de formation des
producteurs, et le contexte local de développement. Ainsi trouver actuellement
un profil professionnel des conseillers répondant à une offre spécifique de
conseil est encore difficile.
Pilotage et la gestion du
dispositif : des facteurs clés
Le
dispositif conseil au Cameroun est actuellement géré par deux types d’acteurs à
savoir les programmes étatiques via les ministères (PNVRA, ACEFA et Sodécoton
sous tutelle du MINADER et MINEPIA ;
L’IRAD) et les organisations de développement rural et prestataires de
services (ADEAC, SADEL, PRASAC etc.). Cependant le financement du dispositif
est souvent cause de l’échec d’appropriation de la démarche.
Au
Nord, la Sodécoton finançait entièrement son dispositif, mais dans certain
terroir non couvert, la prise en charge
du conseiller coûtait entre 60 000 et 120 000 FCFA/an aux EFA dont le
revenu annuel moyen est de 200 000 – 300 000 FCFA soit 30-40% du
revenu. Ceci a eu un impact négatif vis-à-vis du conseil qui, pour certains
paysans, était réservé aux agriculteurs nantis. A Akonolinga, le conseil était
entièrement financé par ADEAC via son partenaire SOS faim Belgique. Cependant
une somme de 25F/Kg de cacao vendu était prélevée sur le revenu des paysans
lors des ventes groupées pour l’amortissement de certaines charges liées au
conseil. Dans le cadre du PNVRA et ACEFA, le financement du dispositif revient
à Etat à travers ses fonds propres (via les fonds PPTE) (cas du PNVRA) et à
travers le C2D rural de l’AFD (cas d’ACEFA).
Il
faut remarquer aussi que la rémunération des conseillers joue un rôle important
dans la mise en œuvre du dispositif. Au PNVRA par exemple la réduction des
primes qui sont passées de 30 000 FCFA avant 2004 à 20 000 FCFA de
nos jours constitue une source de démotivation des AVZ, car selon eux, ces
primes en dehors de la diminution, sont irrégulières. Il en est de même à
Akonolinga où la rupture du contrat entre ADEAC et Sos faim a entrainé des
irrégularités de payement des primes des animateurs qui étaient sensés avoir
30 000 FCFA/ trimestre. Ceci a entrainé l’arrêt des
activités dans trois des neuf villages couverts. Par contre, dans le cadre du
projet ACEFA, la régularité du payement des primes (30 000FCFA/mois), est
une source de motivation pour les CGP et ceci améliore leurs actions.
L’absence de suivi des activités dans
certaines régions comme à Akonolinga a été à l’origine du disfonctionnement du
dispositif. Mais la régularité de tenu des réunions de quinzaine et mensuelles,
et l’existence des organes de cogestion sont des
atouts qui peuvent consolider les acquis du conseil dans le cadre du PNVRA et
ACEFA.
Photo credit Camer.be (Yollande Tankeu)
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